Les business model à l’ère du numérique

les bits veulent être gratuits, mais je ne veux plus des modèles de pub

Monétiser le monde, monétiser les humains

Comment on en est arrivés là?
Le challenge impressionnant c’est de voir la valorisation boursière et la capitalisation de facebook parce qu’on peut y vendre de la pub. Même avant qu’on puisse y vendre de la pub, twitter & facebook avaient des valorisations boursières monstrueuses, décorrélées de toute réalité. On ne savait d’ailleurs pas comment elles allaient gagner de l’argent, avec quel business model, mais ce n’était pas un problème, puisqu’elles grossissaient. C’est ça, les start-ups, tant que ça grossit, le souci n’est pas de savoir comment on va gagner de l’argent, on se dit qu’on aura toujours le temps de trouver plus tard.
Parce que ça vaut de la thune, des tonnes de gens y mettent des tonnes de fric. Du coup, c’est gratuit, on a un service développé et mis à jour en continu, qui grossit qui grossit. Pour grossir encore, le produit est réfléchi pour nous sucer notre temps, notre énergie et nos datas, pour nous faire amener un maximum d’amis. Du coup on se fait sucer et en échange tout ça est vendu à des agences de pubs, des marketeux, des annonceurs qui cherchent leur audience.

C’était tout l’enjeu du web, ne pas mettre de barrière à l’entrée pour pouvoir partager les bits de données de façon illimitée.

Les 4 modèles du web :

Chris Anderson écrivait dans « free » les différents business model possibles pour ces économies numériques abondantes. Il en proposait 4 :

  1. Cross-subsidies : un produit gratuit et un produit payant (mon blog est gratuit, mon mooc est payant ou l’entrée est gratuite mais les boissons sont payantes)
  2. Le marché à 3 : la radio est gratuite pour moi parce qu’elle est payée par des annonceurs qui veulent me faire passer un message
  3. Le modèle freemium : le produit de base est gratuit, pour avoir toutes les fonctionnalités je dois payer (soundcloud, le monde etc..)
  4. Les marchés non monétaires : principalement le modèle du don et le troc

Nous sommes arrivés à un moment où l’intérêt du web et ses capacités techniques ont été bouffées par les géants : Google et Facebook sont les gros géants du web, ils sont gratuits et ils vivent de la pub. Cela veut dire qu’ils ont grandi autant qu’ils le pouvaient, nous faisant rentrer dans un maximum de leurs services pour nous sucer un maximum de nos données, pour pouvoir les vendre.
Non pas parce qu’ils sont méchants, ou mal intentionnés, non simplement parce que c’est le business model qu’ils ont trouvé. C’est con, et à la fois, ils n’auraient pas pu se développer à ce point s’ils avaient choisi un business model payant au départ. C’est comme bitcoin, le fait que la masse monétaire soit limitée à 21 millions et que la distribution se fasse aux premiers arrivés est vraiment injuste sur la durée, mais sans cette précaution de départ, il n’y aurait pas eu le réseau. Bien.

Chassez la pub, elle revient au galop

Google & Facebook on donc choisi le modèle 3 : marché à 3, tout est gratuit parce que quelqu’un paye pour vous envoyer un message ciblé : de la pub. L’avantage c’est que c’est gratuit, l’inconvénient, c’est que nous sommes devenus des cibles, avec nos cookies, avec nos traces, avec nos intérêts, nous sommes devenus les cibles de la pub…

Prenez 10 de vos likes et allez faire ce test créé par Michal Kosinscki, il vous dira qui vous êtes, pour qui vous votez, votre orientation sexuelle, votre religion, si vous êtes plutôt compétitif ou coopératif, introverti ou extraverti et toutes une autre douzaine de profils psychologiques. Donnez lui 68 likes et il vous dira avec 98% de certitudes toutes ces infos. Donnez lui 5 ans de votre historique facebook et il vous dira des choses sur vous que vous ignorez probablement.
Prenez l’exemple de Cambridge Analytica et l’élection américaine et vous arrivez au bout de ce qu’on peut faire avec ces datas et le micro-targeting adapté aux comportements des personnes, le tout à leur insu.
A ma connaissance, à ce jour, c’est tout à fait légal. Les données ont été récupéré via une application abusive, c’est certain, mais si elles avaient été récupérées par d’autres moyens, personne ne lèverait le petit doigt pour crier au scandale.

Donc d’une je laisse et même je donne mes infos gratuitement et de deux je suis pris pour cible.

Tout ce que je déteste : la pub = dépenser de l’argent pour montrer des contenus à des gens qui ne sont pas forcément consentants et qui sont complètement inconscients de :
1. qui leur écrit
2. depuis quel endroit
3. avec quelles infos sur la cible
4. avec quelle intention
5. en réponse à quelle logique

C’est à dire que j’ai choisi de ne plus lire de magazines quand il y a de la pub, de couper la télé, la radio quand il y a de la pub, mais je m’en bouffe sur mesure sur facebook. Et je contribue à leur donner le bâton pour me faire battre.

La publicité est une intrusion dans mon espace

Pourquoi? parce que je sens bien que quelqu’un essaye de me faire rentrer quelque chose dans le crâne, et que je ne l’ai pas choisi. Quand je suis au volant de ma voiture et que j’écoute France inter et qu’arrive une page de pub, je sens que l’on a un projet pour moi. Des gens, souhaitent me manipuler, pour modifier mon comportement. Ils me proposent, m’influencent, me soumettent, m’envoie une info avec une intention. Ceux qui le font ne sont pas ceux que ça intéresse, la voix que j’entends et celle d’un comédien, qui fait cela pour gagner des sous. Ceux et celles qui ont un projet pour moi, ce sont les marketeux, les communiquants, qui eux-mêmes ne font que répondre au besoin d’un directeur marketing ou d’un directeur qui cherche à faire connaître, faire aimer son produit, à redorer son image, ou à vendre quelque chose.
Le plus souvent, ce directeur ne fait que répondre à l’actionnaire, aux actionnaires qui demandent des résultats, plus de vente donc. Et puisque ça marche et qu’on ne sait pas trop faire autrement, eh bien on fait des campagnes de pubs. Il faut dire que ça marche de moins en moins bien et qu’il faut toujours dépenser plus pour toucher des audiences. Créer des budgets événementiels, sponsoriser des équipes de foots, créer des campagnes de street marketing, embaucher des community managers pour avoir l’air cool. Bref, cette campagne de pub, derrière le directeur et l’actionnaire, il y a une croyance.
Derrière l’actionnaire il y a le besoin de rentabilité : j’ai investi de l’argent, j’ai croyance et confiance que l’argent travaille et que si j’en mets quelque part je dois en recevoir plus en retour, donc il faut investir pour vendre ce produit génial que nous avons et dont ces masses de consommateurs sont trop bêtes pour le trouver toutes seules, il faut les aider, les guider, créer le manque, créer le désir, attirer l’attention, leur faire comprendre qu’il manque quelque chose à leur vie, mais que quand ils nous auront acheté, consommé, jeté, leur vie sera bien meilleure, et alors s’apaisera se gouffre, ce vide, jusqu’à notre prochaine campagne.

Mais la première question que me pose tout ce bordel c’est :
1. est-ce que je l’ai demandé moi, à recevoir cette pub?
la réponse est non, mais j’y ai consenti en me connectant à une radio dont une partie du business model fonctionne avec de la pub.
La deuxième question qui me vient est :
2. est-ce que j’ai vraiment besoin de ces produits?
Absolument pas, puisque je tends à diminuer ma consommation, mes besoins, mes achats et que je me mets en recherche uniquement quand j’en ai le besoin et que j’ai confiance que je sais trouver ce que je cherche. Combien même ils pourraient avoir toutes les datas sur moi et savoir mieux que moi ce que je désire, le simple fait qu’ils me le proposent et me le suggèrent m’insupporte, c’est pour moi de l’ingérance, une intrusion dans mon espace, un viol de ma liberté de penser par moi même et je préfère résister et ne pas acheter quelque chose dont j’ai besoin que de leur donner victoire.

En fait, je préfère faire le chemin moi même. Recevoir de l’information? avec plaisir. Mais de la publicité, c’est non.
La différence, c’est qu’il n’y a pas d’intention de me faire acheter quelque chose.

Je reste libre et n’ai pas à ressentir l’intention du publicitaire qui veut me faire agir dans une direction ou une autre.
C’est fou ce monde non?

Que faire de tout ça

Jesus, ou un de ses potes disait : ne fait pas à autrui ce que tu n’aimes pas qu’on te fasse.

 

Fort de ce constat, la première chose pour moi, c’est de sortir au maximum de tous ces services où je suis le produit, le hamster de laboratoire que l’on dissèque à longueur de journée pour étudier le comportement d’achat non pas du citoyen, mais du consommateur. Je ne veux plus côtiser et être participant. D’un autre côté, je ne veux pas non plus me bouffer les pubs incessantes des magazines mais aussi sur le web.
Évidemment installer adblock plus et ghostery ou même privacy badger ou encore facebook container est un bon début pour me protéger de toutes ces agressions non désirées.
Cela veut dire trouver d’autres systèmes, soit le modèle 1, soit le 3, soit le 4. A ce jour, en tant que consommateur je suis prêt à payer des services premium en abonnement en étant sûr que je n’aurai pas de pub. D’où mon abonnement récent pour Mediapart.
En tant que producteur de contenu, je continue de croire que le don (modèle 4) est plus intéressant pour faire connaître au plus grand nombre des idées sans barrière de coût. Depuis 2009 où j’avais mon blog zoupic.com les choses ont bien changé et nous avons maintenant Tipeee et Patreon aux Etats-Unis qui permettent de faire des dons récurrents à des auteurs, artistes, blogueurs et qui permettent donc de financer la création sans pour autant mettre de barrières à l’entrée pour les créateurs. C’était bien là tout l’intérêt du numérique, partagez plus ne coûte pas plus, il faut juste que l’émetteur puisse vivre de son travail pour continuer de façon durable à créer.

Le financement participatif à travers ses plateformes KKBB, Ullule, Indiegogo, Kickstarter et toutes les plateformes dérivées ou de niche pour tel ou tel usage ont bien rempli le paysage et apportent vraiment un moyen de financement par la foule.

L’enjeu aujourd’hui pour moi est de reprendre une écriture de temps long, d’écrire pour moi et non pour qui me lira.
Facebook crée cette addiction du like où quand j’écris je salive déjà à imaginer combien de personnes vont liker mon post.

J’ai envie de reprendre le temps, de la hauteur, de la profondeur, du recul.

Je suis content d’avoir pu expérimenter à fond l’instantanéité, maintenant, place au temps long!

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