Vivre dans une conscience de rareté
L’argent est rare. L’argent ça ne tombe pas du ciel. L’argent ça ne pousse pas sous le pied d’un cheval.
On connaît tous ces phrases qui nous disent et nous rabâchent la même chose: l’argent est rare. Quand on sait que c’est l’argent qui fait tourner la planète, qu’est-ce que cela implique dans nos comportements économiques et dans nos réflexes quotidiens?
Et si l’air était rare
D’une façon très simple, cela veut dire que nous sommes en compétition permanente, que nous le voulions ou non avec les autres acteurs. Imaginez que vous êtes dans une salle et qu’il y a 10 personnes. Imaginez que soudainement, l’air soit rare. Vous savez qu’il n’y en aura pas assez pour tout le monde pour respirer en sécurité. Quel est votre premier réflexe, instinctif, d’organisation pour vivre et survivre dans ce contexte?
La conscience de rareté, c’est être perpétuellement dans des systèmes où il n’y en a pas assez pour tout le monde, ou du moins, c’est ce qu’on nous fait croire. C’est être en compétition à chaque inspiration avec ses voisins pour pouvoir s’en sortir. C’est être sur la défensive, dans un comportement prédateur, une ambiance de peur perpétuelle qui nous condamne, comme des animaux défendant un territoire, à nous opposer les uns aux autres pour assurer notre survie, notre sécurité et notre bien-être.
Tous en compétition les uns contre les autres
Prenez une entreprise, une ONG, un département de recherche, une école, une association de pratique de la flûte, un musée, un agriculteur, un parti politique anti-capitaliste, un service d’orthopédie, une bibliothèque, un marchand de journaux, un boulanger et une école de kung fu. Tous, qu’ils le veuillent ou non, jouent en compétition les uns avec les autres pour l’accès à l’argent. S’ils n’en ont pas assez, demain ils arrêtent. Tous ces acteurs sont en compétition les uns avec les autres, les uns contre les autres, et même à l’intérieur de l’ONG, des départements de recherche ou entre les écoles, il y a une compétition permanente car il n’y en a pas assez pour tous.
Peu importe ce que vous proposez, ce que vous savez faire, ce que vous apportez comme bien-être, qui vous êtes, à la fin de la journée tous ceux qui n’ont pas fait d’école de commerce sont condamnés à se battre pour obtenir une part de marché, un territoire de marque, une rentabilité qui sinon les effacera de la carte. Ceux qui comme moi ont fait une école de commerce et de marketing auront de meilleurs clés pour s’en sortir, on nous a appris à survivre, à chasser et à conquérir plus de terrain. Quelle fierté.
Transformer un système en conscience de rareté permet d’hypnotiser les sujets, qui ne pensent plus au long terme, au pourquoi profond, à la raison d’être de cette rareté de l’air, ils ne pensent qu’à une chose: s’assurer d’en avoir assez pour être à l’abri. A partir de ce moment, celui qui prône le pouvoir d’achat est comme le saint sauveur qui promet un poumon dans ce monde où respirer est si dur. La question n’est pas de savoir comment avoir plus de pouvoir d’achat, mais de comprendre pourquoi il faut du pouvoir d’achat. Le vrai problème n’est pas de comprendre comment obtenir de l’argent, mais de comprendre pourquoi l’argent est rare, à cause de quoi, et comment cela se fait-il? Comment dépasser ce système de rareté artificielle?
Se battre pour respirer est un réflexe instinctif. Nos organisations, leur mode de fonctionnement dans le système, leur nourriture quotidienne sont restées bloquées à un niveau similaire à la survie des animaux. Plutôt que de remettre en cause le système, de le repenser, de crever la bulle, de percer le mystère, nous sommes omnubilés par la pression constante du court terme et de la bulle d’air suffisante pour pouvoir souffler tranquilement.
Tout parent qui aime ses enfants essaye de les protéger, de leur donner la chance de faire des études longues, pour pouvoir être à l’abri, avoir un bon salaire, ne pas avoir à se battre, pour notre sécurité. Ce faisant, on ne résout pas le problème, on y trouve juste un bon palliatif. Cela ne fait que reporter le problème.
D’autres espaces de jeu
Quand on joue au foot en compétition, on se mesure effectivement les uns aux autres. Il en va de même pour beaucoup de pratique sportives, athlétiques etc.. Je ne remets pas en cause la compétition en tant que telle, je remets en cause l’esprit de compétition dans tous les domaines économiques de notre société. Quand il s’agit de se nourrir, se loger, s’éduquer, recevoir des soins, nous ne devrions pas être en compétition. Il y a des espaces à définir où la compétition nous sert, nous pousse vers le haut, c’est la carotte qui nous entraîne à nous dépasser. Au contraire, d’autres espaces sont plus propices à la coopération, à l’entraide et à la solidarité. Notre système économique ne fait pas la différence. A nous de définir ces espaces protégés où tous coopèrent pour leur développement collectif. Chaque sport a ses règles, ses codes, ses stratégies, ses rites, de la même façon, nous devrions adapter notre manière de jouer et les règles du jeu selon l’enjeu et le trophée. Que certains aient besoin de se sentir vivant en se mesurant aux centres stratégiques des entreprises concurrentes, je le conçois, mais que cela influe sur les vies des spectateurs, ce n’est plus concevable. Donc adaptez les règles selon le jeu, créons des jeux avec d’autres règles que celle de la loi du plus fort et du chacun pour sa pomme.
La rareté artificielle: pourquoi?
L’intérêt de cette rareté artificielle: c’est que pendant que vous concentrez tous vos efforts sur votre recherche d’air, vous n’êtes pas en train de réfléchir, du moins pas trop. Vous êtes occupés, vous devez travailler, coûte que coûte, pour vous libérer de la peur du manque. Pendant ce temps là, toute votre énergie est mobilisée pour cette tâche primitive. Prenez 10 enfants, promettez leur un bonbon à celui qui rangera le mieux sa chambre et observez le résultat. Mieux, prenez 10 enfants, privez de dîner les 2 qui auront le moins bien rangé leur chambre et vous êtes sûrs que dans ces conditions, tous auront travaillé pour concourir à ce but. Pour ne pas être prisonnier de ce système, il faut arrêter d’attendre les bonbons et les dîners. La menace fonctionne tant que l’on vit dans la peur du manque. Ouvrir les yeux, prendre conscience que nous détenons les vraies richesses et que nous avons les moyens de nous organiser, avoir confiance en soi, en l’autre, voici autant de clés qui nous amènent doucement vers la conscience d’abondance.
Dans notre contexte de crise, on découvre que les banquiers nous pompent bien l’air, que les gouvernements étant un peu perdus, victime de cette rareté artificielle, ils ne savent plus quoi faire non plus.
La solution: respirer et trouver des systèmes différents pour sortir de la conscience de rareté.