Consommation ou partage collaboratif?
Suite à la lecture de l’article d’Hubert Guillaud sur Internetactu.net qui de façon plus large traite d’usage et de mésusages & suite à la lecture de Vincent Truffy sur son blog médiapart, j’ai voulu expliquer ce qui à mes yeux fait partie de la consommation collaborative, et des valeurs que je voyais naître grâce à ce mouvement.
J’ai été gêné du mélange général que j’ai pu voir entre les différentes formes de pratiques qui existent et les différences qu’elles ont. Ainsi voilà pour moi les deux améliorations, deux formes de valeur ajoutée, qu’apportent la Consommation Collaborative / Economie Collaborative que je mettrai dans cet ordre :
1) Une meilleure allocation des ressources
Elle permet de redonner du service à ce qui stagnait. Elle engendre une réflexion sur l’accès et l’usage plutôt que la possession. Elle met un stop à la société du toujours plus. Alors que nous avons appris collectivement en suivant le chouette modèle américain à avoir tout une gamme de possessions matérielles pour pouvoir exister et briller en société, nous comprenons aujourd’hui que cela n’est plus compatible avec les limites de la terre. Nous comprenons également que cela ne nous rend pas heureux durablement. Si cela apporte certes un confort agréable, cette quantité matérielle qui nous entoure n’est pas constitutive de notre bonheur.
D’un autre point de vue, on pourrait sûrement analyser que plus nous nous sommes recouverts de biens matériels, plus nous nous sommes éloignés de nos voisins et amis, séparés par la différence matérielle qui nous élevait à des rangs sociaux en compétition et nous empêchait d’entrer dans une relation basée et intéressée sur l’être, sur l’autre.
C’était l’ère de l’avoir. Nous sommes arrivés au bout de cette piste et aujourd’hui le jeu consiste à réfléchir aux meilleures allocations possible pour tous ces objets, motivés par trois raisons :
– La terre ne pourra pas supporter plus (et si on réfléchit, c’était bien débile d’en arriver là)
– Cela me coûte effectivement moins cher, et en temps de crise, c’est parfois simplement une obligation que de louer plutôt que d’être propriétaire.
– Le cool a changé.
Ces trois raisons répondent à l’équation de l’allocation des ressources. Elles ne répondent pas encore à ma recherche d’un bonheur durable et à une vraie rencontre de l’autre.
La naissance d’un nouveau mode de consommation
Cette nouvelle allocation des ressources a créé de nouvelles formes de business qui remettent du sens dans l’usage des biens. Ces business ont également été rendus possibles grâce à l’évolution technologique et à la possibilité de rencontrer des offres et des demandes d’inconnus à proximité, avec des indicateurs permettant de créer une confiance malgré la distance. (ebay, Deways, zilok, etc..) Cela existait déjà avec le minitel, mais Internet a rendu tout cela complètement évident.
Qu’elles soient top down & centralisée ou grass-root & décentralisée, ce sont les objets qui circulent autour des humains. Nous en partageons la jouissance. Quel que soit le propriétaire : l’état, une organisation privée, les particuliers, une communauté, ces outils/biens sont en partage moyennant un coût à l’accès. Ce sont des locations, un partage de l’usage et des coûts d’usage. L’autre particularité, c’est qu’elles demandent au particulier de mettre leurs objets et leurs propriétés en mouvement, et pas seulement un investissement centralisé pour lancer une flotte de départ dans le cas d’un loueur de voiture.
Avantage pour le consommateur : cela diminue les frais d’accès. Je peux louer une après-midi un appareil photo numérique de très haute qualité. Je peux avoir accès une voiture pour mon déménagement ponctuellement. Ce que je pouvais déjà faire avant en le demandant à mon réseau ou à des loueurs de voiture pour le cas de l’auto-partage, j’ai toute une offre commerciale aujourd’hui qui diversifie les options et les possibilités.
Avantage pour le prêteur : Il y en a deux : je suis heureux parce que mon objet sert à quelque chose/quelqu’un d’autre : j’en partage l’usage. Je suis également heureux car j’ai une contrepartie financière.
Résultat : le marché est plus fluide, mes options plus grandes. Et c’est au niveau précis de mon besoin que je vais trouver la forme correspondant le mieux pour répondre. Est-ce que je recherche une rencontre? un conseil auprès d’un professionnel? du simple matériel? une réduction tarifaire?
Nous comprenons également que la possession est désuète tant que je peux avoir accès aux services dont j’ai besoin. Ainsi, si vous êtes jeunes, entrepreneurs, regardez les marchés qu’il reste à ouvrir, qu’est-ce qui se partage et qui n’est pas encore monétisé? Des biens, des services, des expériences? Quel secteur n’a pas encore son concurrent dans la consommation collaborative? Il y a sûrement une opportunité d’un marché à déguster et de comportements à changer.
Petit bonus : j’appartiens à une communauté de gens qui pratiquent et croient en ce modèle.
2) Une rencontre et un partage
Cette part que j’ai et que je n’exploite pas, je vais pouvoir la partager et l’offrir à qui en a besoin. C’est la différence entre couchsurfing et Airbnb. Par ce biais je rencontre un autre être humain dans une rencontre non marchande où l’argent n’est pas une barrière : cela ne me coûte pas plus de partager quelque chose alors je l’offre. Mieux : j’ai envie de partager et d’offrir.
>> Elle crée des vraies histoires et un autre rapport à l’autre.
Je crois que c’est cette part du changement qui adresse la question plus en profondeur de s’ouvrir à l’autre, à l’être plutôt qu’à mes biens, celle qui remplit de façon plus entière. C’est la différence entre couchsurfing et airbnb : l’un est complètement non-marchand et non intéressé monétairement. Cela ne veut pas dire que c’est mieux ou qu’ils ont raison, c’est différent. Ils répondent à des besoins différents.
Charles Eisenstein disait dans sa vidéo The revolution is Love
« La consommation collaborative ne créée pas de connexions fortes, seulement la co-création permet cela ».
La deuxième partie, souvent caractérisée par le non marchand, mais je crois qu’elle existe aussi dans le marchand pour peu que les personnes qui échangent soient ouvertes à cette dimension, dépasse pour moi cette consommation collaborative, je ne suis plus consommateur, j’aime offrir et rencontrer l’autre dans un univers différent du marchand, nous nous rencontrons sur un autre plan, motivé par d’autres raisons.
En conclusion
– Le premier pas correspond à une forme de consommation collaborative où l’on optimise l’allocation des ressources en mutualisant les frais et dans lequel l’organisateur de cette nouvelle répartition prend une part. C’est l’évolution naturelle du business et une organisation logique et censée qui nous reconnecte les uns aux autres par le biais de nos usages.
– Le deuxième pas consiste à une rencontre entièrement dédiée à l’autre, rendre service.
Dans le premier cas je partage l’usage et je partage les frais. Dans le second cas je partage l’usage et j’offre les frais.
Pour finir je dirai que l’allocation des ressources n’est que le syndrome extérieur visible du phénomène de prise de conscience de la distance que nous avions mise entre nous et quelle que soit la forme qu’ils prennent, ces mouvements nous allègent matériellement, nous rapprochent et nous rendent plus heureux en surface comme en profondeur.
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Pas toujours. C’est pour cela que je cherche à distinguer les choses dans le mouvement de la consommation collaborative. Groupon ou VentesPrivées, sont également des modèles de consommation collaborative. Ils ne nous allègent « pas matériellement, ni ne nous rapprochent et nous rendent plus heureux en surface comme en profondeur », ni ne mettent un terme à la société du « toujours plus ». Oui, certaines formes peuvent permettre cela. Reste à bien délimiter lesquelles…
Tu as raison Hubert.
Beaucoup de catégories différentes à cartographier, je m’emballe un peu vite sur la conclusion.
Merci pour ta précision